La folle histoire de la société de consommation — Partie 1/3

la marque en moins
8 min readSep 9, 2021

Il y a quelques jours, on a eu la chance de prendre un café avec une aficionados du “moins, mais mieux”.

En l’écoutant parler, on a été étonné de voir à quel point notre rapport à l’objet a complètement changé en quelques décennies. C’est à ce moment que ça a fait tilt : les objets de consommation sont devenus des objets de culte.

On a ce “besoin” de changer d’IPhone tous les onze mois, il faut posséder un sac Louis Vuitton ou encore la dernière paire de baskets. Tout ça dans l’unique but de montrer aux autres qu’on a les moyens de consommer.

Consommer pour consommer.

D’ailleurs, il n’y a qu’à parcourir les allées des supermarchés pour s’extasier (ou s’exaspérer) devant l’abondance des objets et des promos plus agressives les unes que les autres.

Vouloir se faire plaisir, ce n’est pas mauvais en soit. Par contre là où le bât blesse, c’est lorsqu’on oublie que ce confort qu’on chérit tant s’est obtenu au prix de lourds dégâts humains et environnementaux.

En 2008, le rapport de l’UNEP indiquait que le coût environnemental des activités humaines s’élevait à 6,600 milliards de dollars US par an, soit 11 % du PIB mondial.

C’est presque deux fois le PIB de la France.

Comment en est-on arrivé à ce que ces objets pas forcément utiles coûtent 11 % du PIB mondial ?!

Dépenses des ménages en articles non-essentiels

Et surtout, pourquoi on n’en parle pas (plus) ?

Pourquoi on ne dit pas clairement “OK les gars, il serait peut-être temps de faire quelque chose ?

C’est à partir de cette incompréhension qu’on s’est plongés dans la folle histoire de la société de consommation.

Accrochez-vous, parce que ce n’est pas joli-joli à voir.

Le culte de l’objet

« Pour sauver l’économie, il faut acheter, acheter n’importe quoi » Dwight D. Eisenhower, 34e président des USA.

Où commencer pour décrire la société de surconsommation ?

Ce qui frappe, c’est d’abord la profusion des objets.

On ne va pas se mentir. Depuis cinquante ans, nos besoins — quels qu’ils soient — sont largement satisfaits en Occident. On n’a donc pas vraiment besoin de produire toujours plus d’objets.

En 2017, le patron du développement durable d’Ikea a lancé que le monde était arrivé à son «pic d’objets», soit le moment fatidique où le nombre d’objets déjà consommés est supérieur à celui qu’il reste en stock.

Qu’est-ce qui pourrait obliger quelqu’un à dépenser de l’argent pour des choses dont il n’a pas réellement besoin ?

Là comme ça, on voit trois grandes raisons :

  1. Les objets qu’on accumule donnent une certaine image de vous-même aux autres. Notre société encourage la comparaison. On remarque ce que les autres achètent, portent et conduisent et on se surprend à vouloir mieux. L’accumulation devient donc l’occasion d’afficher notre richesse, notre importance et notre réussite auprès du monde.
  2. La publicité nous affecte plus qu’on ne le pense. Certaines études indiquent que notre cerveau intercepte en moyenne 5 000 publicités chaque jour. Et chaque annonce nous rabâche la même histoire : “votre vie sera meilleure si vous achetez ce qu’on vend”. On entend ce message tellement de fois et sous des angles tellement différents qu’on commence subtilement à y croire.
  3. On pense que nos possessions nous rendront heureux. On est en recherche constante du “plus” : une maison plus grande, une voiture plus rapide, un téléphone plus branché et une mode plus tendance, tout en espérant que cela nous rendra plus heureux. Si on s’arrête quelques secondes sur le rapport Possessions VS Bonheur, on se rend compte que passé un certain seuil, les gains en bonheur sont minimes, voire même négatifs. C’est ce qu’on appelle le principe d’utilité marginale décroissante : avoir plus de choses apporte moins de satisfaction.

Qu’est-ce qui a bien pu se passer ?!

“La fin de l’austérité” — (1946–1975)

On ne va pas vous faire un cours d’histoire, promis. Mais pour mieux comprendre le futur, il faut s’intéresser un minimum au passé.

À la veille de la guerre, on manquait de tout et chaque objet devait durer. On achetait à crédit chez l’épicier, on lavait le linge à la main, on conservait les aliments dans un garde-manger, on écoutait les informations sur un gros poste radio, on se déplaçait à pied ou à bicyclette.

L’après-guerre a fait entrer les Français de plain-pied dans la société de consommation. Le niveau de vie des ménages est en forte hausse et les gens se délectent de nouveaux appareils. C’est la période des Trente Glorieuses (1946–1975).

Grâce à la baisse des prix et à la hausse des revenus des ménages, on découvre le Velosolex et la voiture, le transistor et la télévision, la lessive Omo et le shampoing en berlingot, le blue-jean et la mini-jupe.

La liste des produits que la société estime “indispensable” ne cesse de s’allonger. Il ne s’agit plus de satisfaire des besoins primaires (nourriture, vêtements, logement) mais de posséder des objets qui rendent le quotidien plus facile.

Les publicités pour machines à laver ne cessent d’ailleurs de le proclamer : “Ultra Lavix travaille pour vous !

En même temps, il fallait y penser.

Le passage d’une société de consommation de masse vers la société de surconsommation est en place.

Pourtant, notre société a évolué. Nous ne sommes plus à l’âge des Trente Glorieuses. La quantité de choses que nous possédons ces jours-ci est édifiante. Considérez les statistiques suivantes :

  • La taille moyenne des maisons est passée de 1000 m2 à 2500 m2.
  • On consomme deux fois plus de biens matériels aujourd’hui qu’il y a cinquante ans.
  • En 1950, la moitié de nos revenus étaient consacrés à notre alimentation, contre seulement 15 % l’année dernière.

Avez-vous (vraiment) l’impression d’avoir le choix ?

Donnez-lui toutes les satisfactions économiques, de façon qu’il n’y ait plus rien à faire qu’à dormir, avaler des brioches et se mettre en peine de prolonger l’histoire universelle. Comblez-le de tous les biens de la terre, et plongez-le dans le bonheur consumériste jusqu’à la racine des cheveux. De petites bulles crèveront à la surface de ce bonheur, comme sur de l’eau. — DOSTOÏEVSKI

Avant un achat, le cerveau nous joue un drôle de tour : notre système de perception biaise notre jugement. Résultat : l’objet sur lequel se porte notre attention va prendre une importance considérable à nos yeux. “Il me le faut (tout de suite!)

Fatalement, on finit tous par craquer en faisant des achats irréfléchis, par simple envie ou parce qu’on a été séduit par telle pub, telle influenceuse.

Les sirènes de la consommation (dans le jargon, on parle de Dark Patterns) nous soufflent à l’oreille qu’il est essentiel pour notre bien-être de s’équiper de cette fameuse paire de baskets qui finira de toute façon par devenir ringarde quelques semaines/mois plus tard.

Ce bonheur « d’avoir » nous a-t-il fait perdre notre libre-arbitre ? Est-ce qu’on ne serait tout simplement pas devenu des robots programmés à consommer ?

N’en déplaise à certains, ce bonheur “d’avoir” ne sera jamais vraiment comblé.

Et il faut dire que les industriels ne nous aident pas vraiment. L’une des techniques les plus sournoise qu’ils utilisent est l’obsolescence programmée : réduire la durée de vie d’un produit pour 1) Augmenter son taux de remplacement et 2) Provoquer un nouvel achat prématuré.

Source : UFC Que Choisir

Il existe deux types d’obsolescence :

L’obsolescence Marketing : on pousse le consommateur à acheter le tout dernier Iphone alors qu’il n’en a pas forcément besoin,

L’obsolescence fonctionnelle : la pire, puisqu’elle conduit à la panne matérielle et à l’impossibilité de réparer l’objet.

En 2017, Greenpeace a dénoncé cette pratique en dressant un classement des champions en la matière : Microsoft, Samsung et Apple. Le constat, c’est que ces sociétés s’arrangent pour que les produits soient fragiles, impossibles à réparer. Et dans le cas où la réparation est possible, elle coûte tellement cher que les clients n’ont d’autres choix que d’acheter un nouveau produit.

Si on met de côté l’aspect pécuniaire, tous les objets qu’on possède ont un coût souvent bien plus élevé qu’il n’y paraît.

À l’heure où j’écris ces lignes, la consommation de l’Humanité a dépassé de 70 % les ressources disponibles. C’est-à-dire que pour couvrir notre mode de vie actuel en France, il faudrait 3 planètes.

Pour la faire courte, on consomme trop. Et mal.

Pourtant, toute production nécessite l’utilisation de ressources naturelles qui engendre des pollutions sur tout le cycle de vie de l’objet, de la production à la fin de vie en passant par la phase d’utilisation.

Nous, consommateurs — même les plus avertis — avons tendance d’oublier la phase de production. On ne se demande pas d’où viennent les objets, ni ce qu’ils deviennent après utilisation. On n’y pense pas.

Pire encore, on y est complètement indifférents.

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